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Aux Frontières de l’Univers Hip-Hop #1 : le Rock

Aux Frontières de l’Univers Hip-Hop #1 : le Rock

Le ‘N valide la démarche

Depuis qu’il est revenu parmi nous, New Tone ne cesse de decrypter l’univers hip-hop en braquant ses télescopes les nouvelles étoiles. Aujourd’hui je lui emprunte ses instruments de précision pour observer la frontière de l’univers hip-hop avec le rock.

Parcours d’auditeurs

Avant que je croise la route du ‘N et que je ne devienne un auditeur inconditionnel de hip-hop, je ne jurais que par le rock. Je portais un t-shirt The Clash, entretenait une coupe de cheveux douteuse, et écoutais du Hard Rock et du Punk-Rock à fond sur mon lecteur CD. Cette trajectoire d’auditeur est loin d’être unique et je pense partager un passé de fan de rock avec une grande partie du public rap actuel. Il y a quelque chose dans l’attitude, la révolte et la musicalité des rappeurs et rappeuses qui résonne avec la sensibilité musicale des auditeurs de rock.

Quand le rock fit de la place au rap

C’est d’ailleurs par le biais d’un groupe de rock, Aerosmith, que j’ai entendu rapper pour la première fois. En effet, c’est le flow de RUN-DMC sur la mythique collaboration Walk This Way, paru en 1986, que j’écoutais pour la première fois quelqu’un rapper. Ce titre a été une étape importante dans l’essor du rap auprès d’un public plus large. Ce genre de parrainage s’est multiplié à l’occasion de nombreuses collaborations au cours des années ‘80 et ‘90. Ainsi, Public Enemy, KRS-One et beaucoup d’autres auront l’occasion de placer leur flows et leurs phases sur des morceaux de rock.

RUN DMC – Walk This Way (ft. Aerosmith) (1986) | Cette reprise du titre d’Aerosmith sorti 10 auparavant démontre la compatibilité des deux genres, surtout dans l’énergie dépolyée.

Des collaborations au-delà de la musique

Rick Rubin et Russell Simmons, co-fondateurs de Def Jam

Pour certains acteurs de la scène rock, le parrainage du milieu hip-hop ira plus loin qu’un simple couplet, un featuring ou une apparition dans un clip. Les clubs de rocks et milieux punk furent ainsi parmi les premiers à permettre au hip-hop d’entrer dans Manhattan et de s’exposer à une nouvelle scène. Le punk-rockeur Rick Rubin sera l’un des premiers à tendre une main au hip-hop et fondera Def Jam, l’un des labels les plus mythiques du hip-hop, en compagnie de Russell Simmons. C’est d’ailleurs par le biais de ce label que la collaboration entre RUN-DMC et Aerosmith prendra forme.

Deux genres aux racines semblables

Ces deux milieux que tout semble opposer en surface se retrouvent au final dans leur révolte, dans leur volonté de s’adresser aux masses et dans un rapport conflictuel avec les élites culturelles et politiques de leur époque. Ces deux mouvements ont émergés à partir de genres différents à des époques différentes mais ont en communs d’être nés au coeur de quartiers populaires avec lesquels ils parvenaient à résonner dans l’incompréhension générale. Ces deux musiques sont également nées d’une volonté commune de faire bouger les corps et les esprits de leurs auditeurs que ce soit les ouvriers de Memphis et Manchester ou les habitants du Bronx et de South Central. Perçus comme bruyants et dérangeants par les élites de leur époque, ils réussiront à s’imposer par l’adhésion des masses. Ainsi, si les liens du rap et du hip-hop ne sont pas évidents dans l’arbre de la généalogie musicale, ces deux genres partagent une démarche et une énergie commune. C’est à mon sens cette proximité qui facilitera une certaine perméabilité entre ces genres à partir des années ’90.

À la croisée des chemins

Ainsi plusieurs artistes tenteront de mêler le hip-hop aux influences mainstream des années 1990, majoritairement issues du rock. A l’aube des années 90 naissent des groupes comme Rage Against The Machine qui intègre le rap à une palette d’inspirations rock et metal. Nombres d’artistes émergents dans la scène rock durant cette décennie seront influencés par le mouvement hip-hop qui ne cesse de prendre de l’ampleur aux États-Unis comme ailleurs. Ces inspirations donneront ainsi naissance à des courants spécifiques tels que le Rock Rap ou le Nu Metal qui se trouve à la jonction des deux univers. Ces tendances s’affirment dans les années 2000 avec la forte popularité de groupes comme Linkin Park ou Limp Bizkit. Une autre interprétation de ces influences croisées peut être donnée par des groupes comme Flobots, dont l’album Fight With Tools (2008) fut important dans mon parcours d’auditeur entre le rock et le rap. Ces groupes seront affublés de l’étiquette « alternatifs » ou « expérimentaux ». En réalité, la fusion d’influences rap et rock feront recette et se populariseront largement dans les deux scènes comme nous allons le voir.

Flobots – Handlebars (2008) | Un morceau mêlant batteries rock, rifs de guitares, flows revendicateurs et cuivres triomphants.

Le hip-hop devenu référence récurrente

En effet, les influences hip-hop se sont disséminés dans la musique rock populaire des années 2000 et 2010 par des collaborations, des emprunts et des références. Des groupes comme Gorillaz, Arctic Monkeys, ou encore les Red Hot Chili Peppers partagent des inspirations issues du hip-hop à différent degré – on retrouve d’ailleurs Rick Rubin à la production de ces derniers. Le hip-hop par sa popularité grandissante et son dynamisms s’impose dans la grammaire de la musique pop-rock. Ainsi, la connection entre les deux genres dépassera les similarités dans l’intention et l’énergie pour porter des inspirations mélodiques et musicales récurrentes. Les groupes de rock intégreront à leur musique des éléments clés du rap: rythmiques, flows et découpages de vers, thèmes, basses, samplings… Cela aboutira à des collaborations surprenante comme celle de Timbaland avec le groupe britannique Muse sur leur dernier album.

Gorillaz – Clint Eastwood (2001)

De Rock-Rap au Rap-Rock?

C’est également dans les années 2000 que les inspirations des rappeurs se diversifient pour inclure de nouveaux genres comme le rock. Le représentant le plus évident de cette tendance est Lil Wayne qui sort un album rock-rap en 2010 intitulé Rebirth. Cet album, aux nombreux détracteurs, affiche sans filtre des éléments rock et punk-pop dans une structure résolument rap. À la réécoute, cet album pèche par son manque de maîtrise de l’auto-tune mais certains morceaux comme Ground Zero ou Drop the World (ft. Eminem) montrent le potentiel des synergies entre les deux genres. Malgré l’échec commercial de ce rock album, ces influences se retrouvent partout dans la discographie de Lil Wayne comme à travers les riffs de guitare égarés, ça et là, dans Carter V. C’est à ce moment qu’un réel dialogue d’influence émerge entre les deux genres, qui se poursuit encore aujourd’hui.

Lil Wayne – Drop The World (ft. Eminem) (2010) | L’un des morceaux les plus aboutis de l’album où la batterie rock supporte des flows modernes enrichis d’une belle maîtrise la saturation.

Le rock devenu influence du rap

Ainsi, sans nécessairement franchir le pas du redouté rock album, les inspirations rocks se sont multipliées dans le hip-hop au cours des années 2000-10. Récemment, des artistes comme Post Malone, XXX Tentacion, Lil Uzi Vert ou encore 6ix9ine affichent des influences rock plus ou moins assumées et récurrentes. Ces dernières se manifestent sous de nombreux traits: refrains chantés, kits de batterie rock, mélodies à la guitare, esthétique grunge ou timbres de voix empruntés au métal. Cela n’est pas si surprenant quand on pense qu’une grande partie de ces artistes ont grandis à une période où le pop-rock dominait les charts. La grande diversité de parcours que l’on retrouve aujourd’hui chez les artistes de la scène a également enrichi le spectre des influences enrichissant la grammaire du rap. Le rock est ainsi devenu une référence récurrente du paysage hip-hop.

Rappeur et rockstar: vers le sex, drugs & rap?

Par-delà la musique, le rock a également fortement influencé l’esthétique de l’industrie hip-hop. On retrouve aujourd’hui dans certains courants du rap des similarités avec l’esthétique, les thèmes et le lifestyle grunge ou punk, mais l’emprunt majeur est à mon sens la mythologie de la rockstar. Si les costumes de scène d’Afrika Bambaataa ou des Furious Five ont pu s’inspirer des extravagances de la scène rock il aura fallu attendre la deuxième moitiée des années 2010 pour voir la rockstar s’imposer comme une figure crédible dans l’industrie. Il n’y a qu’à observer les frasques de certains artistes, le développement de la culture du tatouage, l’apparition de tenues exubérantes ou la glorification d’un mode de vie sans concession pour apercevoir les manifestation de cette influence. Et puis, on ne va pas se mentir, certaines tenues de rappeurs (cc Sfera Ebbasta) rendraient jaloux Axl Rose. On peut également observer ce phénomène en observant le nombre grandissant de tracks qui sont dédiées à la vie de Rockstar.

De nombreux rappeurs inclus la figure de la rockstar dans leur texte comme le montre cette playlist non-exhaustive.

Un manque de perméabilité en France?

Force est de constater qu’en France, le hip-hop et le rock ont moins fraternisé. Il semble que le hip-hop français, longtemps ostracisé et puriste, a mis plus de temps à développer un jeu d’influences croisées avec le rock. Parmi les quelques collaborations ayant eu lieu, on notera le groupe ad hoc Zone Libre qui rassemble Casey, Hamé (La Rumeur) et Serge Teyssot-Gay (Noir Désir) sur l’album L’Angle mort en 2009 pour un rendu aux allures street et punk. Casey a d’ailleurs approfondi cette démarche avec la création de Ausgang, et je vous renvoie chez nos collègues de Backpackerz pour en lire plus. L’écriture de cette article me fit également redécouvrir une collaboration inattendue entre le Ministere A.M.E.R. et Johnny Hallyday.

Johnny Hallyday – Le temps passe (ft. Stomy Bugsy, Doc Gyneco, Passi) (2006) | J’ai rien à ajouter.

La francophonie s’ouvre à de nouvelles influences

Si on ne peut pas parler de succès du rock-rap en France dans les décennies 90/2000, le jeu d’influence évoqué plus tôt a fini par émerger. Ainsi depuis le début des années 2010 le regain de vigueur de l’industrie musicale française et l’ouverture d’un auditoire plus large, les influences rock se sont fait une place sur la scène française. Certains artistes comme Soolking sont passés par le rock avant d’exceller dans le hip-hop, d’autres ont intégré le rock à un éventail toujours plus large d’influences comme Haristone, Tsew the Kid ou encore Jok’Air. D’ailleurs, ce dernier incarne parfaitement la figure de la rockstar moderne et ce que l’esthétique rock a pu apporter au mouvement hip-hop.

Des destins similaires?

Le jeu d’influences croisées que nous venons d’évoquer laisse aussi transparaître des similarités dans le destin des deux genres. Issus des classes populaires, ces genres furent d’abord critiqués par les élites avant de devenir dominants et de se subdiviser dans une foultitudes de sous-genres. Le rock et le rap partagent également une même crise d’identité: à la fois musique dansante et revendicatrice – deux volontés qui semblent parfois difficile à concilier. Le parcours du rock pourrait-il renseigner l’industrie et les artistes hip-hop sur les possibles évolutions à venir? Le rap est-il susceptible de suivre la trajectoire du rock, se subdivisant en une fibre populaire qui occupe le devant de la scène et une foultitude de sous-genres et de niches aux auditoires plus restreints?

Comme on est pas des animaux, je vous laisse avec une petite playlist qui résume et illustre le jeu d’influences entre ces genres des années 80 à nos jours.

Une playlist explorant les connections multiples entre le rock et le hip-hop.

Bonne écoute et à la prochaine pour l’exploration d’une autre frontière de l’univers hip-hop !

Le Télescope de NewTone

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